Les bras d'une mère



Ce matin nous avons cravaché pour terminer le plus vite possible le programme de cours de la journée pour les 4 niveaux : MS, CP, CM1 et 5ème. L'idée étant d'aller rejoindre les copains d'IEF à la Base de Loisirs d'Etampes, sans trop de retard pour déjeuner tous ensemble.

Jonglant entre les exercices sur les unités et les dizaines d'un hémisphère gauche de mon cerveau et la préparation du repas (un rougail de saucisses, siouplé!) avec l'hémisphère droit (la vache, heureusement qu'on a deux hémisphères, comment ferais-je sinon ?), j'ai du faire pousser un troisième bras et un hémisphère supplémentaire pour préparer les sacs de pique-nique des enfants, avec tout ce qui peut accompagner une telle sortie de plusieurs heures : sac à dos, lunettes de soleil, chapeaux, plaids, jeux, gourdes, mouchoirs, sérum phy pour les éventuels problèmes d'yeux et d'allergies... (Charge mentale? vous avez dit Charge mentale ? Quelle Charge mentale ? "Mais c'est la vie ça, c'est normal" comme dirait mon ptit mari pour me soutenir et me remonter le moral !)

En moins d'une heure tout était prêt, le repas, les sacs, les devoirs finis, et en voiture Simone ! Direction le sud verdoyant de l'Essonne ! Un soleil printanier et pas si timide que ça allait accompagner notre sortie ainsi qu'un petit vent généreusement frais mais supportable tout de même. 

Un après-midi chaleureux nous attendait. 

Pendant 4h les enfants ont joué non-stop dans l'aire de jeux et les prairies blanches de pâquerettes (jamais vu autant de pâquerettes au m² de ma vie ! C'était si dense que cela formait un véritable tapis où les brins d'herbe se faisaient vraiment rares).

De mon côté c'était agréable de papoter avec des parents aussi proches de leurs enfants et investis dans leur éducation. Des parents lisant beaucoup, se renseignant sur la meilleure façon d'instruire leurs enfants. Des enfants bien souvent bourrés de particularités neurologiques qui ne pourraient probablement pas vivre une vie aussi épanouie que celle-ci s'ils étaient vissés à une chaise, enfermés dans une classe, toute la sainte journée, 5 jours sur 7, toute l'année. Tantôt un papa nous raconte comment son fils a découvert un nouvel instrument de musique et partage le nom du prof qui est méga pédagogue et qui réussit le pari de faire aimer son art aux plus jeunes, tantôt une mère raconte ses astuces pour calmer ses enfants quand ils sont trop excités. Nous sommes si différents, de mondes plus ou moins éloignés, et pourtant, si unis par cet amour de nos enfants et la recherche de la meilleure des vies pour eux. Si nous n'étions pas réunis de la sorte autour de ce projet de vie, il y aurait fort à parier que, pour certains d'entre-nous, nous serions l'un en face de l'autre dans les manifs politiques plutôt qu'épaule contre épaule !

Et comme j'aime ça ! Comme j'aime savoir que nos idées, nos modes de vie, nos cultures, sont opposés mais qu'on s'entend très bien quand même. On passe du bon temps ensemble. On a plein de choses à se raconter, calmement, posément, joyeusement aussi. L'un apporte sa flûte, l'autre sa guitare, et nous voilà en train de swinguer sur un rythme entrainant. Quel avant-goût du paradis ! Un micro monde où on laisse de côté les griefs pour se ressourcer ensemble, au nom de l'amour de nos enfants.

Bref. A un moment il a bien fallu rentrer. On sentait à la fois la contrariété des enfants, mais la joie de rentrer dans ce foyer familial qu'ils affectionnent tant. La fatigue était palpable, et quelques signes ne trompaient pas mon flair acéré et maintes fois mis à l'épreuve !

Chouineries, pleurs "pour rien", disputes pour des micro broutilles...

Ce retour était assez désagréable mais maintenant je sais que c'est normal, je suis habituée, et je ne réagis plus trop. Avant je prenais tout à cœur et m'en rendais malade, là je sais qu'il y a cette phase à supporter, jamais très longue, et qu'il faut essayer d'aménager ce moment...sans stress.

Le plus jeune qui a 5 ans, n'arrêtait pas de pleurer. Il faisait une fixette et pleurait pour avoir un bonbon. Après il pleurait toutes les larmes de son corps parce que son père l'avait aspergé d'eau sans faire exprès en allumant le tuyau d'arrosage. Ensuite il s'est mis à pleurer parce que sa sœur avait appuyé sur le bouton d'un jouet à sa place. J'avais bien compris qu'il ne pleurait pas vraiment à cause de tous ces petits malheurs, mais que c'était la fatigue du soir qui pointait le bout de son nez. 

- "Tu es fatigué ?"

- "Non"

Ah ah! non, un enfant n'avouera jamais qu'il est fatigué. Il est épuisé, mais il tient bon. Il s'accroche. Il tape dans son réservoir d'énergie supplémentaire, celui qui peut encore "faire 100km" avant que le voyant rouge ne s'allume pour de bon, sonne, et arrête la machine en plein milieu de l'autoroute. 

Régulièrement je lui disais de venir faire un câlin (j'essayais bêtement de lire un bouquin, mais au bout d'un moment j'ai fini par accepter que je ne pourrais pas poursuivre). Il acceptait chacun des câlins. Puis au bout de quelques secondes il repartait vaquer à ses occupations. Jusqu'au drame suivant, nécessitant de nouveau un réconfort maternel. Pour le dernier, j'ai arrêté ce manège, et je lui ai dit qu'il était vraiment fatigué, qu'il fallait qu'il vienne se reposer dans mes bras. Je l'ai porté, posé sur moi. Cœur à cœur, corps à corps. Il s'est abandonné rapidement. Sa tête blottie dans le creux de mon épaule. Ma tête penchée sur la sienne. J'ai fermé les yeux. Je me suis concentrée sur ma respiration afin qu'il ressente chaque mouvement. Le but étant de le calmer jusqu'à l'assoupissement. 

Oui il y a des moments comme ça dans la journée où il faut accepter de laisser tomber ce que nous sommes en train de faire et qui nous semble si important, afin de remplir le réservoir d'amour de nos bambins. ça ne prend pas des heures, pas besoin de se biler en pensant à la soupe qui ne se prépare pas pendant ce temps-là, ou encore le livre qu'on essayait de lire lors d'une pause détente bien méritée...

C'est juste un câlin. ça prend 2, 5, 10 min max. C'est rien ! Mais c'est tout pour eux. Ils en ont besoin. Et ça suffit à tout calmer : les chagrins, la fatigue, les envies de bonbons...Sans ce renoncement de ma part, sans cette acceptation, sans ce don de moi, la situation allait empirer avec ce petit. Il aurait usé les nerfs de tout le monde, aurait été tapé par un frère ou une sœur, aurait fait surréagir les adultes qui l'auraient envoyé se calmer tout seul dans sa chambre et sans manger. Ouep. C'est moche. Et ça peut être évité surtout. Juste avec un peu de recul, de sagesse, d'hauteur d'esprit, d'acceptation, d'amour en fait, tout simplement...

Apaisé, le pli du vêtement tatoué sur sa joue, l'air un peu hagard, il a quitté mes bras, m'a regardé comme pour me dire "c'est bon j'ai fini, le réservoir est rempli, je peux repartir", et il est retourné jouer sereinement.

Les bras d'une mère, ou d'un père, d'un adulte aimant, c'est le meilleur des remèdes aux problèmes d'un enfant. Le comprendre, sans forcément chercher à tout comprendre, on n'a pas besoin de faire une enquête fouillée pour savoir ce qui l'a mis dans cet état.

L'empathie c'est la clef. 





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